14 raisons pour lesquelles je trouve la blockchain fascinante

Je trouve la technologie blockchain fascinante car elle est susceptible d’impacter l’organisation de la société, la structure de l’internet, les grandes entreprises, voire même les Etats.

La blockchain pourrait permettre de compléter le protocole
d’internet sur l’identité numérique

Les grands acteurs de l’internet sont aujourd’hui très centralisés (Facebook, Google, Apple, Amazon) et continuent de se consolider. Ils concentrent tout le bénéfice et le pouvoir du réseau internet. C’est paradoxal alors que les premiers créateurs des protocoles TCP/IP avaient imaginé un réseau très décentralisé.

Un cyberespace aux libertés retrouvées est-il possible? Cette idée sous tend justement des projets comme NameCoin, qui vise à remplacer l’ICANN dans son rôle de gestion des noms de domaines.

Votre identité numérique comprend votre date de naissance, vos réseaux d’amis, votre historique d’achat. Le protocole original d’internet ne comprenait pas cette notion d’identité numérique.

Certifier une identifié, associée à un compte, est un problème complexe.  De nombreuses initiatives sont en cours avec la technologie blockchain : uPort, de ConsenSys , Blockstack basé sur la plate-forme Bitcoin.

Il pourrait ainsi être possible pour les citoyens de se réapproprier leurs données sur internet. Je pourrais permettre à un service comme Facebook d’utiliser mes données pour me proposer des nouvelles ou de la musique. Si ce service m’ennuie, je serais libre d’essayer d’autres alternatives sans perdre les données que j’ai investi dans le service (le temps passé à remplir ma page facebook).

La blockchain pourrait remettre en cause le monopole des plateformes des GAFA

La blockchain pourrait concurrencer le monopole des grandes plateformes intermédiaires, qui se rémunèrent au moyen d’une commission importante (20 % pour Uber, jusqu’à 25 % pour Booking).

Arcade City ambitionne de devenir un « Uber-killer ». Slock.it travaille au développement d’un concurrent à Airbnb. OpenBazaar vise à mettre en relation directement acheteurs et vendeurs, sans commissions, concurrençant ainsi ebay, avec un projet open source décentralisé.

La blockchain pourrait être plus résiliente aux attaques et à la censure

Les grands systèmes informatiques hautement centralisés peuvent présenter un point de défaillance qui les rend vulnérables aux cyberattaques. Or, les registres distribués reposant sur la blockchain sont intrinsèquement plus difficiles à attaquer.

La technologie semble également plus résistante à la censure, car les participants du réseau remarqueront immédiatement une modification d’une partie du registre.

La blockchain pourrait permettre un processus de vote plus simple

De nombreuses initiatives sont en train de voir le jour pour permettre un vote électronique sécurisé sur la blockchain comme FollowMyVote (Etats-Unis), DemocracyOS (Argentine et France).

Le Sierra Leone a utilisé la technologie blockchain de la société Agora pour vérifier des votes, lors de sa dernière élection en 2018. En novembre 2018, la Virginie-Occidentale a utilisé une application mobile recourant à la blockchain.

Certains rêvent que grâce à ces outils de démocratie participative, la citoyenneté occupe une place plus importante dans nos vies qu’un passage à l’isoloir tous les quatre ou cinq ans.

Je trouve cette application très intéressante. Avec quand même un bémol: la consultation des citoyens pourra vite montrer ses limites. Personnellement, je n’ai pas envie d’être consultée sur tous les sujets et je suis contente que les représentant élus au parlement s’occupent de 90 % des textes de loi.

La blockchain permet aussi de mettre en place des états civils numérique, des cadastres

Bitland porte un projet de cadastre numérique au Ghana.

L’Estonie a créé une nationalité numérique qui peut être utilisée sur la plateforme Bitnation pour signer différents types d’actes d’Etat civil (acte de mariage, certificat de naissance) ou des contrats commerciaux.

Bitnation a l’ambition d’offrir les mêmes services que les gouvernements traditionnels et a crée en 2016 sa propre constitution au titre de la nation « Pangea ».

Les communautés peuvent même s’organiser avec les organisations autonomes décentralisés

Avec les Organisations Autonomes Décentralisées développées sur Ethereum, les individus peuvent créer leur propre communauté dotée de règles ad hoc, de façon auto-gérée et auto-régulée.

La possibilité de dupliquer une blockchain via une modification (un fork) est intéressante . Cela permet de tester plusieurs versions de blockchain en parallèle. Ce sont les versions les plus compétitives qui survivront – on peut faire le parallèle avec les mutations d’ADN pour les êtres vivants. C’est comme si aujourd’hui un développeur pouvait faire une copie du code de Facebook et lancer une version concurrente à tout moment.

Ainsi, la blockchain Ethereum a déjà été scindée en deux avec le maintien d’Ethereum classic qui n’a pas accepté la mise à jour suite à l’affaire « the DAO » (voir l’article sur Ethereum pour les détails).

Litcoin est une version de la blockchain Bitcoin qui génère des blocs toutes les 2,5 minutes -contre 10 minutes pour le bitcoin. Bitcoin Cash est une autre alternative au Bitcoin qui a augmenté la taille des blocs Bitcoin de 1 à 8 Mo pour soutenir la croissance du nombre d’utilisateurs.

Chaque blockchain pourrait ainsi donner naissance à différents protocoles répondant à des objectifs différents, jusqu’à ce que l’on trouve le bon équilibre.

Les projets de blockchain vont permettre de tester une multitude de formes de gouvernance

Il est rare qu’un nouveau gouvernement ou qu’une nouvelle banque centrale soit créée, et encore plus exceptionnel d’expérimenter un nouveau mode de gouvernance à cette occasion. Les blockchains vont permettre de tester des milliers de systèmes de gouvernance et de politiques monétaire avec des répercussions bien moins graves en cas d’échec.

De nombreuses tentatives se termineront en échecs spectaculaires. Avec des millions de banques centrales algorithmiques, des millions de crypto-George Soros sont susceptibles de tenter de prendre d’assaut ces nouvelles banques algorithmiques.

Le sujet est fascinant car les blockchains pourraient enseigner davantage aux économistes dans les 10 prochaines années que ce que nous avons appris du « monde réel » depuis 100 ans.

La gouvernance sera un sujet clé

Les blockchains ne pourront concurrencer les entreprises et les Etats que si elles développent des modèles de gouvernance performants.

Des processus de récompense sont nécessaires pour inciter un grand nombre de développeurs à développer une blockchain, pour qu’elle reste compétitive vis-à-vis des autres systèmes.

Le projet Backfeed veut proposer un système de réputation et de gouvernance décentralisée. Il comprend un mécanisme de création de la valeur. Plus j’apporte de la valeur ajoutée au projet et plus mon influence et mes gains tirés du projet seront important.

La blockchain Tezos, prévoit que n’importe quel développeur peut proposer de modifier la structure de gouvernance, via une modification de code. Un vote est alors déclenché. Les contributions sont récompensées par la communauté via l’émission de nouveaux jetons.

 

Tous ces développements potentiels des blockchain posent évidemment énormément de questions en tant que citoyens.

Première inquiétude: Qui sera responsable en cas de problème?

La décentralisation permise par la blockchain soulève des questions de responsabilité et de régulation. Qui sera responsable pour les activités d’une organisation qui n’aurait pas d’administrateur ni d’opérateur ? Comment gérer le cas où une organisation décentralisée serait utilisée à des fins illicites ?

On pourrait avancer que la responsabilité engagée est celle des concepteurs et développeurs du logiciel. Mais ces créateurs sont bien souvent anonymes. D’autre part, à supposer que l’on parvienne à les identifier, comment ensuite bloquer les opérations d’une organisation qui agit de façon complètement autonome ?

Par ailleurs, se posera aussi la question du droit de recours contre des contrats jugés iniques. Périodiquement, les médias font état de clients de téléphonie mobile qui découvrent une facture de plusieurs milliers d’euros après un séjour à l’étranger. L’utilisateur peut plaider au tribunal qu’il n’est pas capable de payer la somme demandée. Le juge peut alors lui demander de ne payer qu’une somme réduite.

Cette régulation par le juge risque de ne pouvoir s’effectuer que beaucoup plus difficilement avec le contrat intelligent, qui prélève par nature automatiquement les montants. Les smart contracts risquent de créer une asymétrie entre une partie forte et une partie faible.

Deuxième inquiétude: la création d’une citoyenneté décorrélée de la géographie

Imaginez une entreprise dont le CEO et les cadres sont des logiciels, et dont les statuts sont rédigés non pas en code de juriste, mais en code informatique.

Seuls les actionnaires sont humains, et les parts de l’entreprise qu’ils détiennent sont les fameux jetons ( tokens), qui leur donnent des voix dans le « conseil d’administration » de la DAO pour en donner la direction. Une telle entreprise serait totalement dérégulée, inrégulable, et intaxable car domiciliée nulle part. Cela serait un cauchemar pour les gouvernements.

Troisième inquiétude: la spéculation sur la valeur des cryptomonnaies

Les cryptomonnaies donnent lieu actuellement à une spéculation intense. Il est difficile de comprendre sur quoi repose leur valeur. Cette valeur est-elle la même que celles des coquillages cauries utilisés historiquement pour échanger ?

Une monnaie n’est monnaie que parce qu’elle est conventionnellement considérée comme telle. Cela veut dire que si le Bitcoin suscite assez de confiance pour permettre des achats, il sera une monnaie.

On dit souvent que le Bitcoin peut être considéré comme une sorte d’or numérique. En effet, s’il venait à se généraliser, le régime monétaire qu’il instituerait ressemblerait à un régime d’étalon-or.

Inversement, certains pensent que le Bitcoin est un pur produit spéculatif et que nous sommes face à un schéma de ponzi. Cela veut dire que la valeur de cette monnaie est uniquement liée au fait de vouloir faire parti du cercle des initiés et qu’elle s’effondrera brutalement un jour.

En tout état de cause, il y a beaucoup de manipulation du marché des cryptomonnaies. Si une crise financière survient, de nombreuses personnes perdront leur mise…

Certains ont même contractés des dettes pour acheter des cryptomonnaies. Le krack sera catastrophique pour eux et pourrait impacter le système financier international. Plus les ponts entre le marché des cryptomonnaies et le système financier seront importants et plus le risque systémique sera élevé.

Quatrième inquiétude: le risque de remise en cause des banques centrales

Certains espèrent que le Bitcoin permettra de saper le monopole d’émission monétaire par les banques centrales et privées.

La création monétaire fournit traditionnellement au gouvernement des ressources. Avec le Bitcoin, on pourrait assister à la privatisation de la monnaie, avec des conséquences très lourdes pour les Etats.

Les bitcoins sont créés en fonction de l’activité de minage, dont le rendement est décroissant au cours du temps. A l’inverse la monnaie est créée en fonction des besoins en liquidité liés à la circulation monétaire.

Un régime basé sur le Bitcoin serait déflationniste.  Les banques auraient une limitation quantitative des réserves en Bitcoin, comme l’or pouvait en partie limiter l’expansion du crédit dans l’étalon-or. De plus ce régime serait néfaste pour l’activité. La déflation renchérit les dettes, ce qui a pour effet d’étrangler les débiteurs.

Actuellement, comme le Bitcoin ne sert pas à fixer des prix et des salaires, cet effet déflationniste ne peut guère jouer et l’appréciation de cet actif est essentiellement spéculative.

A moyen terme, le scénario le plus probable est celui d’une cohabitation entre les monnaies souveraines et les crypto-monnaies.

Cinquième inquiétude: la philosophie sous-jacente anti Etat

Le bitcoin est née du désir de supprimer l’aléatoire de la politique humaine et de la remplacer par une infrastructure autonome qui s’auto-gouverne. Derrière le concept, se cache le rêve politique d’individus d’une philosophie libertaire.  La confiance est placée dans la cryptographie, dans l’algorithme et non plus dans les intermédiaires et les systèmes démocratique.

La blockchain pourrait préfigurer un totalitarisme. Il faut donc se demander si cette vision politique libertaire correspond véritablement à notre souhait.

L’idée de déplacer de l’argent très facilement et rapidement est elle conciliable avec la notion d’impôts ? Il peut être problématique qu’en une fraction de secondes, il soit possible de transférer mon argent ailleurs dans le monde. Et que penser des protocoles de blockchain entièrement anonymes, tels Dash ou Monero qui pourraient favoriser le blanchiment d’argent?

Dernière inquiétude: la religion des algorithmes

Ceux qui vantent la démocratie distribuée gardent une foi étrangement naïve dans les promesses faites sur la capacité de la blockchain à transcender la faillibilité humaine. Pourtant l’histoire des cryptomonnaies est déjà marquée par les piratages et les vols.

Or, on ne peut jamais totalement être sûr de la façon dont un système fonctionnera et sera utilisé. Au moment de la création du Bitcoin, la possibilité d’une attaque des 51 % était jugée quasi impossible. Pourtant, on s’est rendu compte par la suite que Bitcoin était assez vulnérable à cette attaque des 51 %, en raison de la concentration du minage en Chine.

Le risque est qu’on déplace la confiance des intermédiaires vers la technologie et de la technologie vers… de nouveaux intermédiaires, les algorithmes. Et qui se cache derrière les algorithmes ? L’homme. La gouvernance humaine réapparaît, simplement dissimulée derrière des lignes de codes.

L’auto-gouvernance d’une technologie n’existe pas encore, et heureusement diraient ceux que la montée en puissance de l’intelligence artificielle et des robots inquiète.

Pour conclure, comme toute nouvelle technologie, la blockchain peut apporter le meilleur comme le pire. Tout l’enjeu de la décennie à venir sera d’utiliser la blockchain pour améliorer  l’Etat et non le détruire.

Ces différents articles sur la blockchain ne constituent en aucun cas des conseils en investissements. Personnellement je n’ai aucune cryptomonnaie et ne prévoit pas d’en acheter.

Pour aller plus loin sur ce sujet:

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